Le point de départ le plus visible de cette métamorphose se trouve dans les tuyaux d'orgue dont les reflets clairs développent une double suite, ascendante, puis descendante, qui, en même temps qu'elle amorce le tableau à gauche, l'ouvre sur le parc dans lequel les arbres reprennent en sombre l'effet amorcé par l'instrument. Sur ce rythme savamment réglé, qui gagne jusqu'à l'horizon, s'inscrivent les deux groupes d'accords formés, I'un par le rideau, I'autre en accompagnement par la couverture. Le premier contient, telles des notes longuement tenues, les trois plis rouges et roses qui se déploient au-dessus de la tête de la Vénus et auxquels font pendant, sur la diagonale, la culotte du musicien, sa manche et l'extrémité du nu. Le second groupe les plis mouvants de la couverture auxquels fait pendant, à l'extrémité de l'autre diagonale, le jeu discipliné des tuyaux d'orgue et des arbres. Enfin, à l'intérieur de cet espace dont les ondes se multiplient et s'interpénètrent, la Vénus développe la mélodie de son corps qui achève la composition en lui donnant son timbre et sa résonance. La musique n'est donc pas une simple récréation, comme le laisse entendre le titre du tableau; elle est l'essence même de l'oeuvre. Mais c'est par des moyens purement plastiques que l'artiste nous la fait sentir. Ainsi, non seulement Titien réussit à détourner notre regard de ce qui marque l'âge dans un corps nu mais, par la composition, par les couleurs, par la lumière, il obtient de le diriger vers une Vénus au charme musical.