Dans la Vénus d'Urbin, qui magnifie la déesse sous les traits d'une jeune fille, les couleurs se juxtaposent avec franchise, détachant les objets les uns des autres, si bien que le nu, entre le vert bleu de la tenture et le rouge de la servante, rayonne de sa triomphale carnation, que soutient un dessin rigoureux. Dans la Vénus du Prado, les couleurs sont moins nombreuses, mais surtout, engagées dans le clair-obscur, elles se mêlent les unes aux autres pour créer une ambiance colorée, dominée par un ton roux qui vire tantôt au rouge, tantôt au vert bleu; climat automnal dans lequel les couleurs perdent leur individualité; les objets, la netteté de leur contour. Abandonnant la ligne qui joue un rôle prépondérant dans le tableau des Offices, les couleurs recourent davantage à leurs propres ressources, à leur pouvoir thermique; ainsi, la flamme vive et claire qui luit dans la Vénus d ' Urbin se transforme, dans la toile du Prado, en un tison dont l'incandescence est maintenue par le rouge grenat du rideau et par le rouge marron de la couverture alors qu'à distance du foyer, par-delà la veduta, se mêlent aux verts des arbres des bleus sournois qui la plombent. Mais couleurs chaudes et couleurs froides sont tempérées par la présence du roux, qui "amortit" les sensations. Pour éviter néanmoins qu'elles ne s'émoussent, le peintre dispose ici et là des accents, témoin la lame turquoise sur la culotte du musicien.