Cette grâce mûrie, avec quel soin Titien ne s'applique-t-il pas à la faire sentir ! Qu'on regarde le tableau, on ne manque pas d'être frappé par la clarté laiteuse qui s'ouvre à l'horizon, entre les deux allées d'arbres, pour se refléter d'une façon discrète dans la pièce d'eau. Or, de ce soleil d'arrière-saison émane une lumière qui, en touchant les tuyaux de l'orgue et la manche du musicien, se rassemble toute dans le corps de la déesse, qu'elle enveloppe plus qu'elle ne le découpe. En comparant avec la Vénus d'Urbin, on saisit la différence. Dans celle-ci la lumière accompagne chaque partie du corps comme un chant clair dont chaque note ou suite de notes doit être détachée: la tête, la gorge, le ventre, les jambes. La lumière est beaucoup moins articulée dans le tableau de Madrid: au lieu de détailler les parties, elle s'attache au contraire à les fondre; les détails anatomiques disparaissent au profit de la forme générale.