La composition de l'oeuvre corrobore ces vues. Alors que la Vénus d'Urbin se "lit " de gauche à droite, tel un vers fortement coupé à la césure par l'extrémité de l'écran, celle du Prado réclame une lecture plus lente et plus complexe. Horizontalement, les deux tiers du tableau sont occupés par le corps de la Vénus, un tiers par celui du musicien; mais simultanément, on observe en sens inverse que les deux tiers le sont par le musicien et la veduta, un tiers par le buste de la Vénus. Enfin on s'aperçoit que le rectangle dans lequel s'inscrit le nu correspond à celui de la veduta et que, comme les deux précédents, ils s'imbriquent l'un dans l'autre. Cette disposition montre bien le souci qu'a l'artiste de lier les parties entre elles par le mouvement auquel est entraîné notre regard, que la présence de repères symétriques rend plus rigoureux encore (ainsi la distance entre le bord du tableau et le nez du musicien est la même que celle entre la chute éclairée du rideau et l'autre extrémité de la toile). Grâce à cet agencement, les deux pôles ne sont pas fixes: les surfaces coulissantes qui les portent nous font aller incessamment de l'un à l'autre. L'artiste prend donc soin de modifier les conditions de notre perception: le tableau des Offices est comme un autel dressé à la grâce juvénile; celui de Madrid ressemble à un reliquaire dans la pénombre duquel le spectateur découvre les somptueux reflets de la Beauté automnale