En Egypte, de Memphis à Assouan, du Delta aux cataractes, est beau ce qui a pour voûte le ciel lui-même et pour sanctuaire l'horizon du soleil levant; est beau ce qui dépasse la fonction de l'objet pour tendre au cosmique, et par là au divin; est beau enfin ce que l'homme sait mettre de ce divin dans la matière qu'il anime.
L'architecte qui décide du fruit d'un mur, le sculpteur qui apprivoise le basalte, le peintre qui cerne un profil, une fleur, un oiseau, l'artisan qui cheville un tabouret de repos, le potier, le carrier même, tous s'essaient à définir non la forme, mais l'idée qui est en la forme qui lui donne à la fois son sens et son existence. Car créer, c'est donner vie; or pour donner vie, il faut connaître les secrets qui gouvernent l'univers, les lois qui assurent l'harmonie du cosmos. L'artiste est donc prêtre en ce que, comme lui, il sait entendre "la voix juste des dieux".
La forme est symbole, et le symbole est verbe. Et comme l'a prédit le sage, au terme d'une longue nuit, seul le verbe demeure: "Un homme a disparu, son corps est poussière, ses pères sont retournés à la terre; mais le verbe le rend à la vie par la bouche de celui qui lit. Meilleur est le verbe que les pierres de la maison, que les portes de la demeure d'Occident; meilleur est le verbe qu'une forteresse, qu'une armée prête au combat."
Tous ceux qui ont mesuré la puissance du verbe resteront au-dela même des pierres sur les lèvres de l'humanité, car le verbe, garant d'existence, est pour eux plus fort qu'une pyramide.